"DETOX", Blair French, MCA SidneyJ'ai pas aimé 2014_
Et après Tokyo, 2015 se laissait entrevoir comme une pluie de ces fleurs de cerisiers au printemps, avec du soleil, de la lumière, du mouvement. Avec du blanc, du rose et du chaud, et certainement pas du noir, du tricolore ou du brun.
Mais apparemment, on ne choisit pas tous ses maux ; ils s'invitent, ils font partie du "pack". Un peu comme toutes ces pubs que je reçois en masse depuis "spame-moi" et qui me polluent autant qu'elles me renseignent sur la vie qui m'entoure, sinon sur ma propre vie.
Changer ses cartouches d'imprimante, choisir une mutuelle, voyager, faire des rencontres, un bon placement, commander du vin. Le tout pas cher et en quelques clics. Vite vu, vite fait et tout ce qui m'attire, tout ce que je désire et que je suis sensé aimer, est là à portée de doigt. Sans que j'aie même à y réfléchir, sans que j'aie besoin d'y penser. Vite. Un monde que j'ai semble t-il généré tourne autour de moi sans que j'y prête attention, sans que j'y consacre le temps que je n'ai pas. Comme chacun d'entre nous aujourd'hui. Rien de bien nouveau.
J'entends ce vieux Bashung : C'est comment qu'on freine ?
Freiner. Ralentir, réfléchir... Contrairement à ce qu'en dit Blair French*, "Transmission Detox", l'œuvre numérique de Marian Tubbs semble nous proposer l'inverse. D'après lui, elle "suggère que les images numériques sont de par leur nature évasive, que la transmission des informations n’équivaut pas à la transmission de la connaissance, que les systèmes que nous utilisons pour communiquer sont chargés d’idéologies particulières. C’est un travail qui vous encourage à ralentir, écouter et penser".
En réaction sans doute... car elle participe et témoigne du flux, du vortex, de l'irradience qui nous plonge et nous extrait pour nous replonger encore, à l'intérieur, autour, partout_ de l'art, du monde, des images et de nos vies. Elle participe du dérisoire et de l'incompréhensible, sinon du préhensible. Elle néglige les cartouches d'encre vides, les vins rouges millésimés, les points de retraite ou la magie de Noël, pour nous rendre à nous mêmes, dans ce monde que la pub et le spam eux-mêmes ont déserté. Un monde froid et inutile, faussement mobile où écouter, regarder, prendre le temps qui se faufile et qui file ne nous mène nulle part. Sinon, retour à la case départ, au même, à l'identique ou à l'ersatz. Au simili.
Qui achètera, non pas les copies, mais les "clônes" des tableaux de Van Gogh réalisés cette année par Fujifilm Belgique ? Combien de "visiteurs" on foncé voir "The Wrong [again]", la biennale d’art contemporain virtuelle ?

Anish Kapoor, Vagin de la Reine, Versailles 2015Enfin désœuvré, j'irai faire un tour_
Détours, contours, retours ; c'est enfin le tour de l'Art. Après la Fnac ou Boulanger, après le Viagra ou les Rolex, tiens, j'irai voir si les grafittis sont toujours intacts sur le "Vagin de la Reine" d'Anish Kapoor. Si Sam Francis m'emporte encore aussi loin, dans ses blancs constellés de couleur. Si malgré tout, quelques taches, semblants d'éclaboussures, sont toujours éclats, éclatants, d'immensité, de silence et de paix. Et si la solitude, la lenteur sont restées des valeurs sûres.
J'irai et j'oublierai avec certitude que Rebecca Uliasz n'est pas Tracey Rose, ni Gina Pane, Valie Export ou Sigalit Landau, et évidemment, que tout le monde n'est pas Marina*. J'irai tranquillement, pour une fois, débarrassé des images et des sons, juste plongé dans l'oubli, dans ce qui reste lorsque tout a disparu.

J'irai, en 2016. Après la pub.

 

*Blair French, directeur du Museum of Contempory Art de Sidney
*Marina Abramovic, "The artist is present", MOMA, 2010

 

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Transmission detox, Marian Tubbs; 2015
Transmission detox, Marian Tubbs; 2015
Transmission detox, Marian Tubbs; 2015
Transmission detox, Marian Tubbs; 2015
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Anish Kapoor, Vagin de la Reine, Versailles 2015
Sam Francis
Berlin red, Sam Francis, 1970
Rebecca Iliasz
Valie Export
Gina Pane
Sigalit Landau, Barbed Hula, 2000
Marina Abramovic, The artist is present, New York. MoMA, 2010